La plaine
champs jaune jaune colza — chemin de terre une bête serpent à
travers les herbes — camion chargé ruches sur la colline — terre
ouverte et lignes droites les charrues socs — la route nationale comme
un trait sur un papier froissé les bagnoles dessus (le soleil sur les
vitres) — charrette filant chargée plein Nord — boule de fer et rouille
à l’entrée des villages — fossés pleins sacs et plastiques — poteaux en
béton sans leurs fils et bêtes — des chiens — plateforme en béton
éventrée des herbes au milieu d’un champ — carcasse de clébard crevé là
le souffle du vent dans ses poils — un âne braie sans bruit contre une
clôture en fer ouverte — cheval blanc entre les rails — puits en béton
entouré des terres sèches
(question pour maintenant — quoi faire de ces listes — qu’est-ce qu’on
trouve à faire ça — quelles clefs — le rythme — l’image qu’on cherche —
un claquement de langue et donc le coup de sifflet en gare — même pas
possible de dire son nom y’a pas)
entrepôt de béton dressé dans le soleil — troupeau de bêtes avançant
plein Ouest — des chèvres — un vol d’oiseaux blancs sur une pente un
val au milieu de l’eau c’est une flaque — une grande mer c’est une
plaine plaine et verte — une machine jaune et son bras noir là dans les
herbes — tuyauteries relevées des terres — un robinet rouge rouge à
tourner avec les bras — un type est debout sur le béton d’un quai
poussière — le vent dans sa chemise bleue usée
(or donc c’était un jour d’avril — il faisait déjà trente degrés dans
les plaines de l’Est - mes mains transpiraient sur le clavier la
machine — goutte de sueur brune et poussière sur l’aluminium du boitier
— battements réduits des MP3 dans les écouteurs blancs)
à l’entrée d’un village une moissonneuse batteuse attend jaune rouille
contre un hangar travers — une berline bleue file sur la nationale —
types en gilets fluorescents et machines en marche — bouteille de jus
sans étiquette posée contre la tôle du wagon - un arbre est seul qui
debout au milieu d’un champ fait de l’ombre à quelles bêtes - blocs de
béton à intervalles réguliers à travers les céréales encore jeunes
avril — carcasse en béton semi détruite d’une ferme quelque chose —
traverses en bétons ferrailles entassées le long des railles — eau non
potable dans une autre langue et au marqueur rouge sur un puits à
l’ombre
(derrière les écouteurs on entendait quand même le son des rails et du
fer — un type à côté chewing-gum — vieille femme endormie à l’ombre —
c’était le train le moins cher — il s’arrêtait à toutes les gares et on
roulait vers la capitale)
un type est assis avec ses quatre vaches — maison bleue en terre et
bois — tas de déchets sacs — une femme est là dedans qui sembler
chercher quoi — un feu au loin fumée gris noir — immeubles bruns quatre
ou cinq étages dressés dans le soleil et le bleu — wagons rouilles
laissés par deux sur des rails sans connexions — forêts d’arbres et
d’ombres avec types autour d’un feu et des viandes — longue suites
d’arbres alignés dans la terre brune des plaines de l’Est — tas de
fleurs jaunes avril dans les herbes — y’a des trucs comme des ravines
rigoles dans les champs — sacs plastiques et canettes de bières
(le wagon se chargeait de plus en plus — les gens des plaines montaient
vers la capitale — il faisait chaud — on ouvrait les fenêtres et nos
têtes cognaient contre la vitre — parfois pendant plusieurs dizaines de
minutes il n’y avait rien — c’était plat — ce qui fascinait et ça
expliquait peut-être un peu — juste un peu pourquoi écrire — c’était
ceux qui vivaient là et leurs traces — sur mes jambes la température de
la machine montait de plus en plus)
quai de gare en ferraille rouillée — toits en zinc et jardins d’avril —
un chien semble aboyer qui tourne autour d’un piquet en bois — rivière
d’eau plate immobiles et grise — deux porcs sont à l’ombre d’une
baraque en briques — bâches en plastique vert vert sur des foins secs —
un homme est debout qui d’une main tient son gosse au soleil et bord de
voie ferrée — vieille baraque à la bombe noire sur le mur — longue
suite de pilonnes en ferraille et fils électriques tendus lâches entre
eux — vent qui souffle les herbes et les céréales — chemin de terre
jaune brun — tracteur bleu neuf qui pompe dans un ruisseau boues —
puits de pétrole et machine jaune bleu s’activant sans cesse
(à la gare Ciolpani on aurait pu se dire c’est pas possible vivre là —
ils avaient alignés des ruches à l’ombre P.A.T. — trois lettres à la
bombe noire sur la brique — et puis le soleil à travers la vitre)
souffle de la sirène du train — baraques immenses et béton en
construction — station essence et tâches de gasoil — silos à grains
immense et blanc — interdiction de fumer — cabane en tôle rouillé —
wagons à bestiaux alignées au soleil — rolling stock en anglais sur la
tôle des wagons — magazin mixt et type courant une bière à la main
(en fait c’est comme si je m’étais dit — je vais tout écrire — je vais
tout dire — je vais tout mettre dans ma machine et comme ça quoi — on
s’inventait des histoires elles étaient presque vraies et c’était
tellement vrai la vie qu’on pouvait pas se taire — à côté le type
regarde sur mon écran les mots de cette langue qu’il ne comprend pas
s’ajouter les uns aux autres)
trois cylindres en fer rouille sont debouts au sud — des puits de
pétrole tournent les uns contre les autres — poste de répartition
électrique aux couleurs du pays — sept ou huit voies ferrées portant
leurs wagons à pétrole et les herbes sèches — ponts de béton traversant
un fleuve à sec — avril dans la plaine de l’Est.