Et la route était noir noir
Et donc on venait d’entrer dans le pays — dans la bagnole on
n'arrête pas de causer c’est le moment mais comme il fait sombre on
fait pas trop de photographies — on s’arrête dans un village et on
cherche comment changer nos billets il y a un type aux clopes il dit
d’aller au distributeur — on met les billets dans la machine et
d’autres sortent — on file dans la bagnole c’est tout droit tu as déjà
pris deux fois cette route jamais dans ce sens-là — en fait c’est les
virages et l’idée de voir la nuit tomber derrière nous c’est ça — les
baraques dispersées comme ça et le bruit des pneus sur le bitume chaud
- les tas de pailles comme ça dans les herbes sèches du mois d’août et
les poubelles en métal rouille sur le bord de la route — arrivé en haut
on s’enfonce dans une forêt épaisse et noir noir — les arbres comme ça
certains disent là-bas c’est la frontière — le bitume est vraiment
mauvais ça descend sévère — brouillard — envie de dire le mot
brouillard pourtant c’était pas ça du tout — c’était plutôt que la nuit
nous avait pris d’un coup et qu’on avançait comme ça au frein moteur
sur une route noir noir — dans l’odeur des moteurs chauds des huiles et
des essences de la forêt.