Dans cette ville le bitume est mal - la rue principale est une langue de goudron gercée vieillie qui a criée sans jamais être entendue - des échoppes un peu partout fruits légumes savon pâtisserie épicerie - un café des narguilés dehors et des hommes dans la rue - les ruelles partent en vaisseaux fines très fines impossible de retrouver un raccourci toutes les ruelles sont des raccourcis en fait - à un moment elles retrouvent cette artère principale d’où partent des taxis et minibus, seuls moyen de locomotion pour rejoindre l’autre ville - il n’y a pas de place encore moins de grande place pas d’administration les enfants sont dans la rue il vont à l’école en dehors de cette ville il n’y a pas d’université en fait ce n’est pas une ville
Dans cette ville — on cherche encore comment faire pour se donner un nom — on se rappelle du nom des villes — mais pas de celui-ci — ou bien quand on lui donne un nom — on ne peut s’empêcher d’y coller tout de suite le nom d’une autre ville plus grande plus belle et plus riche — l’avenue principale on dit qu’elle s’appelle Champs-Elysée — et tu veux bien — l’appeler Champs-Elysée — dans cette ville on se souvient du nom d’une autre ville de l’autre côté du mur — on se souvient des tentes puis des cabanes on peut te montrer si tu veux prendre une photo — on a gardé des traces des cabanes — on n’a plus les tentes — mais il reste les cabanes — et puis on a construit par dessus — et puis les maisons sont montées haut plusieurs étages comme ça tu peux prendre des photos des trois ou quatre étages au dessus de la cabane — dans cette ville on veut bien dire qu’elle nous appartient la ville mais on ne s’y sent jamais vraiment chez soi — certains n’ont connu qu’elle et pourtant — ils disent qu’ils ne sont pas vraiment chez eux