chaleur — vent chaud à travers la vitre — grésillement
dans les baffles — vibrations du volant sous les mains — odeur de tabac
stagnant dans l’habitacle — chemise collée sur le tissu du siège — long
mur de béton dans le noir — projecteurs blancs éclairant les herbes
sèches — jeep perdue à un carrefour — fusil mitrailleur tenu bien droit
— barbelés — guérites en métal — drapeaux flottant dans le ciel
vent chaud à travers la vitre — il fait chaud il fait toujours chaud
dans cette région et l’air chaud s’engouffre plus tu roules vite plus
l’air chaud s’engouffre — mais le petit quatre-quatre blanc ne roule
pas vite — grésillement dans les baffles les stations radios changent
régulièrement leur langue aussi — la baffle avant gauche doit être usée
— vibrations du volant sous les mains avec le pied droit au plancher la
plupart du temps tu sens bien le moteur à travers le plastique du
volant et la sueur tes mains glissent — odeur de tabac stagnant dans
l’habitacle les clopes fumées dans la journée toutes celles qu’il a
fumé avant ici les paquets vides dans les vide-poches — chemise collée
sur le tissu du siège on a parcouru un pays à travers les autoroutes à
travers les petites routes de montagne et le soleil était chaud et nos
sueurs — long mur de béton dans le noir il apparaît lentement en haut
d’une côte — peut-être on pouvait le voir avant — mais avec ce noir et
les phares de la bagnole éclairent à peine — le mur de béton apparaît
dans le noir les tours de surveillance de temps à autre et des portes
en fer — projecteurs blancs éclairant les herbes sèches espacés de
façon régulière ils sont là qui balaient la plaine et la poussière si
tu bouges je te vois — jeep perdue à un carrefour un gyrophare orange
tournant dans le noir deux types dehors ils fument une clope et
tiennent des fusils mitrailleurs — fusils mitrailleurs tenus bien
droits à l’arrivée tous à intervalle régulier qui attendent raides
qu’on avance lentement — barbelés sur les murs de béton barbelés sur
les routes barbelés autour des crèves-pneus barbelés barbelés dans les
herbes sèches barbelés — guérites en métal sous les projecteurs et les
types sont là dedans qui ont les yeux rivés à leurs écrans de contrôle
— drapeaux flottant dans le ciel de la nuit Ramallah les étoiles
j’ai passé peu de fois un checkpoint en voiture — je me souviens bien
de celui de Qalandia — on était arrivé comme ça une nuit — les phares
du quatre-quatre blanc n’éclairaient pas loin mais les fusils
mitrailleurs les types qui parlent dans la nuit le vent chaud à travers
la vitre — on t’avait raconté les fois où ça devient chaud — les bombes
assourdissantes les fumées blanches les bagnoles qui accélèrent sur le
bitume pendant que les coups de feu - tu n’as rien vu - tu n’as rien vu
de tout ça - tu as seulement vu le bitume chaud les fusils mitrailleurs
dans le noir les barbelés le béton les types qui attendent dans leur
guérite les drapeaux dans le ciel - tu es venu pour ça - pour sentir
les vibrations du volant dans tes mains et le béton autour — tu es venu
pour ça — entendre un moteur dans le noir et ce qu’ils disent là-bas
mais tu ne sais pas raconter d’histoire — tu n’as jamais raconté
d’histoire — ça tient en quelques mots : chaleur — grésillement —
vibrations du volant — bitume bitume — béton — projecteur blanc jeep
fusil mitrailleur drapeaux — tes yeux c’est un diaphragme et les mots
alors.