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Alors on avait voulu parcourir les routes de l’Europe

jeudi 13 novembre 2014, par sebmenard

Alors on avait voulu rouler sur les routes de l’Europe.

Quitter nos cabanes nos baraques et nos territoires.

Toutes ces histoires d’ours — de mecs qui prennent la route la nuit dans la neige — toutes ces histoires de poussière de poème d’eau-de-vie et de feu qu’on allume — c’était quoi alors ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On avait voulu parcourir les États — traverser les États. On avait voulu rouler — comme ça — sans savoir autre chose que les bords de nos mondes — les bouts de nos plaines — sans chercher autre chose que le nom des sommets — le nom des fleuves — le nom des routes — celui des bêtes — le nom des Hommes.

Aller au bout — voir les eaux de l’Europe s’écouler — suivre des fleuves — écouter les flottes les embarcations les rades et les rafiots. On voulait vérifier que tout était vrai — tout était là — vraiment là.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors — chacun avait fait le compte. Chacun avait retiré son argent des banques des coffres et des tiroirs. Quelques uns avaient préféré enterrer une partie de leurs billets dans un jardin — sous cinquante centimètres de terre et dans un bocal — là — rien ne bouge. Chacun avait annoncé des kilomètres de route — des altitudes et des jours de voyage. On avait pris des bouquins des carnets des chaussures et des fringues — on était prêts. On avait entendu parler de ceux qui marchent debout sur le vent. On nous avait dit qu’un jour — tout était fini. On nous avait dit qu’il y avait des bords des ombres et des puits immondes — on savait tout ça — on était prêts. On avait voulu aller jusqu’au bout — dans chaque direction — casser des murs des barrières et des barbelés. On avait voulu montrer que tout était là — entre nous — entre nos mains là — juste là.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Certains dansaient encore de ce départ — ils vidaient des verres et célébraient quoi — leur folie leur douceur — leur souffle — leurs yeux brillant — corps chancelant — vivant.

Alors on avait voulu rouler. 
On avait voulu quitter l’Europe. 
On avait voulu traverser des continents.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On ne savait pas qu’on userait nos carlingues — nos gueules et nos rêves. On ne savait pas qu’on croiserait l’homme qui marche seul dans la nuit — celui qui s’échappe des feux de camps — celui qui traverse des frontières — celui qui raconte des histoires. On ne savait pas qu’on écouterait les femmes de l’est. On ne savait pas pour les bêtes — les feux de camps — et les brumes.

Mais nous étions venus pour eux.