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journal permanent | 12 janvier 2016

mardi 12 janvier 2016, par sebmenard

Dans La Nuit & Le Jour il y a du Cortazar et ça sonne très très bien tout ça :

“Tu comprends, Bruno, ce type-là et tous les autres types de Camarillo, c’était des convaincus. Convaincus de quoi, tu vas me dire ? Je sais pas mais ils étaient convaincus. De ce qu’ils étaient je suppose, de ce qu’ils valaient, de leurs diplômes. Non, c’est pas ça. Il y en avait de modestes et qui ne se croyaient pas infaillibles. Mais même le plus modeste était sûr de lui. Et c’est ça que me foutait en boule, Bruno, qu’ils se sentent sûrs d’eux. Sûrs de quoi, dis-moi un peu, alors que moi, un pauvre diable pestiféré, j’avais assez de conscience pour sentir que le monde n’était qu’une gelée, que tout tremblait autour de nous et qu’il suffisait de faire un peu attention, de s’écouter un peu, de se taire un peu pour découvrir les trous. Sur la porte, sur le lit : des trous. Sur la main, sur le journal, sur l’air, sur le temps : des trous partout, une énorme éponge, une passoire qui se passe elle-même… mais eux, ils sont la science américaine, tu comprends, Bruno ? Leur blouse blanche les protégeait des trous ; ils ne voyaient rien, ils acceptaient ce que d’autres avaient vu pour eux, ils s’imaginaient qu’ils voyaient. Et bien sûr ils ne pouvaient pas les voir, les trous, et ils étaient très sûrs d’eux-mêmes, très sûrs de leurs ordonnances, de leurs seringues, de leur maudite psychanalyse, de leur ne fumez pas et ne buvez pas… Ah ! le jour où j’ai pu les envoyer promener, reprendre le train et regarder par la portière comme tout basculait en arrière, éclatait en mille morceaux. Je ne sais pas si tu as remarqué comme le paysage se casse en mille morceaux quand tu le regardes s’éloigner…”

Julio Cortazar : « L’homme à l’affût »

Cortazar ça serait bien de lire Cortazar depuis le temps mais ça ne sera pas pour tout de suite car du Cortazar ici il y en a pas — et du Cortazar en numérique et sans DRM ça n’existe pas.


Dans quelle mesure sommes-nous imperméables à nos mots : à force de les voir nous sommes incapables d’en déceler les erreurs — les impasses et les mauvaises pistes (pour ça aussi que j’ai besoin d’aide — pour Alors on avait voulu rouler vers l’Est par exemple — mais en fait — toujours) — en lisant Karl Dubost je découvre certains de mes mots avec une erreur (« on n’achète notre sommeil contre peu de chose n’est-ce pas ») — ce n’est pas une erreur de Karl Dubost — c’est bien ce que j’ai écrit — ce que j’ai écrit et relu et mis en ligne et relu et corrigé et envoyé à Guillaume avant de l’avoir relu etc. (c’est une toute petite chose — imaginons le reste).