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journal permanent | 30 avril 2018

lundi 30 avril 2018, par sebmenard

Préparation d’un atelier pour les réfugiés. Relire Cadiot :

 « Espéranto

Des gens traversent la mer à cinquante dans un zodiac. On va les faire parler. On va les représenter. Des acteurs jouent les récits des survivants. Quelques fois, ils le font à la première personne et réussissent à transmettre une partie de la douleur. C’est souvent très proche heureusement. Quelque fois trop, trop profond, pas assez en surface. On s’enfonce dans l’Humain comme dans une caverne. Ça défigure. Il n’y a plus personne.

On ne les traduit pas dans leur langue maternelle. On les oblige à parler la nôtre et on fait entendre respectueusement leurs erreurs. Bizarre admiration : on cherche la langue humaine. On transcript les bégaiements, les souffles, les rythmiques. On fait les chamans sur scène, on pousse des cris, on est échevelé au milieu des tempêtes. Ou le contraire, il y a un silence de mort. Chacun est laconique et se déplace comme des montagnes sur un parquet noir en plein brouillard. On dit tout au ralenti. Mais c’est pareil, c’est la même idée, on tient notre anima. On rate l’effroi réel. On oubie les immenses circonvolutions de chacun au milieu de sa douleur. Comme le dit une écrivaine autrichienne très récemment : plus rien chez nous (dit un suppliant qui demande hospitalité) ne fait objet de connaissance. »

et plus loin :

 « Ne dites pas je à leur place. Traverser la mer avec un enfant dans les bras, ce n’est pas une performance. Arrêtez l’art. Parlez chiffres, faites des plans des frontières, des cartes de l’argent qui transite, des pourcentages de haine, des plans de village, déchiffrez des codex.

Enregistrez ces naufragés dans leur langue et traduisez, ne les faites pas bégayer dans la vôtre. »


du reste, ma tête ressemble à ce
morceau de jardin