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journal permanent | 6 juillet 2018

vendredi 6 juillet 2018, par sebmenard

pourquoi brûle-t-on des bibliothèques


ce jour
était un peu chaotique

je vais essayer de prendre
quelques notes
en guise de méditation

ça formera peut-être
un genre de poème

allons-y

je me suis levé tôt
pour attraper le seul train
qui m’amènerait à l’heure
au travail
(6h52)

j’ai écouté
différents récits
des traversées
j’ai écouté des traversées difficiles
j’ai écouté

j’ai écouté une dame
très digne
raconter
avec ses moyens
avec ses petits moyens
l’histoire de son fils mort là-bas
d’un autre laissé
ailleurs
l’histoire de son arrivée ici
de sa solitude
de sa très grande
solitude

la disparition
de son mari
ces choses-là

j’ai écouté
nous avons laissé les pleurs
vers les marches de la Sécurité Sociale
puis nous avons marché dans la ville

j’ai écouté d’autres histoires
de ce type

j’ai écouté encore
des histoires de papiers
de vrais de faux
des nouveaux des perdus

j’ai écouté

j’ai écouté la rage
de deux hommes
qui en étaient venus
aux mains
ils portaient sur le corps
différentes traces
de ce jour triste
c’est vrai d’une certaine manière
heureux
d’autre manière

j’ai écouté encore

sur le trajet vers la gare
j’ai croisé un vieil homme
roumain
et je n’ai pu m’empêcher
de lui parler
dans sa langue
que je ne connais pas vraiment
et j’ai écouté
j’ai écouté son regard
il était assis par terre
il était sur le bitume
de notre modernité
et il demandait de l’argent
et je l’ai écouté
et il semblait heureux
heureux
de la poignée de mots
que j’avais prononcés
dans sa langue

en partant
j’ai serré sa main
avec la plus grande
considération
possible
le genre de considération
qu’on peut mettre dans une poignée de main
offerte à un mendiant
assis sur le bitume de notre modernité

voilà
voilà
ce jour
à quoi ressemblait ce jour

je ne sais plus trop
à quel moment
j’ai cessé de chercher le zen

à quel moment
j’ai complètement oublié
de chercher le zen

je me souviens pourtant
d’un poème de Fred Griot
écouté au midi
 :

« (…) moi je suis à l’abri
et lui ramasse ses tas tonnes
de sacs poubelles
dégueux éventrés trempés
et je ne sais pas s’il pense aux poètes zen.
pourtant pourtant
lui aussi
doit avoir ces moments d’épiphanies
où l’on se sent être
tout connecté au tout
malgré la pluie la crasse la merde
et le manque de retraite d’abri
pour souffler un peu, flâner en soi, rêver.(…)

et je me suis dit c’est ça
c’est exactement ça

et je suis rentré vers les miens
dans le petit village
à douǎzece de kilometru de oraş
comme on dit

je ne sais pas
si tout ça forme
un poème

et pour ce jour
ça m’importe peu

je ne sais qu’une chose
parfois
on n’en a rien à foutre
de la poésie
parfois
ça n’a aucune sorte
d’importance
de savoir

se trouve
la poésie
et d’autres fois
il n’y a que ça
pour tenir