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trajets, 3

lundi 3 janvier 2011, par sebmenard

c’est écrit dans les petites notes sur l’ipod - "l’oiseau sur le grillage bord de route - souvenir d’avoir voulu faire liste des photos non prises et l’oiseau sur le poteau" parce que c’est vrai - depuis’l’temps qu’tu prends cette route ça arrive surtout le soir mais ça arrive vraiment souvent et c’est toujours à peu près même hauteur - d’ailleurs t’aurais pu ajouter "souvenir d’avoir voulu faire au moins dix fois la photo de cet oiseau sur le poteau sans jamais la faire" - parce que c’est vrai que tu n’as jamais fait cette photo - et elles sont beaucoup les photos que t’as jamais faites et pourtant qu’tu voulais faire mais y’a plein d’raisons pour pas les faire - alors l’oiseau sur le grillage bord de route après tout ça n’a pas vraiment d’sens comme ça et s’il t’interpelle autant y’a bien une raison quelque chose à trouver en fait la bagnole est à vitesse croisière - le moteur vibre tranquille et le volant dans les mains tu écoutes des enregistrements de Jack Kerouac lisant des extraits de Sur la Route et d’autres poèmes - tu ne comprends quasiment rien à ce qui se dit dans les baffles - quelques mots de temps à autre - mais il y a quelque chose qui suffit là à entendre des lectures de Jack Kerouac dans les baffles de la bagnole sur la route en rentrant du taf - les lignes blanches blanches les culs d’camions ça tu sais faire les culs d’camions tu sais les prendre en photo tu mets l’ipod sur le tableau d’bord ou bien sur le volant et t’appuies sur le petit bouton et ça s’enregistre ou alors avec le reflex tu mets au point sur l’infini - tu fais une fois ou deux la mesure de lumière - et puis tu déclenches - d’ailleurs assez surprenant de procéder ainsi parce qu’avec une machine comme celle-ci l’autofocus etc. - pourrait bien tout faire tout seul mais non - voilà c’est ça qui te plaît - rouler - faire la mesure - mettre au point à l’infini - et puis appuyer sur le déclencheur tout en continuant à rouler et sans jamais ralentir -

ça ne se voit pas sur les photos mais le pare-brise est fêlé - avec le froid et les coups’d’chauffage dans l’matin pour filer sec sec ça s’arrange pas - et d’ailleurs tu regardais le pare-brise quand tu l’as aperçus - l’oiseau sur le grillage bord de route - tu n’y connais rien en oiseau et ça n’a pas vraiment d’importance - c’que c’est comme bête - mais ça ressemble vraiment à un rapace - t’as l’soleil dans l’rétro et Jack Kerouac lit un poème de tête comme ça - ça doit être Washington DC Blues - les lignes blanches blanches n’arrêtent pas défilent et la bagnole roule grise grise la ventilation balance de l’air chaud dans l’habitacle - et l’oiseau est là - sur le grillage bord de route - tourné vers la route -

c’est très important ça - qu’il soit tourné vers la route - parce qu’il est toujours tourné vers la route - c’est chaque fois pareil et tu l’as même vu là un matin - tourné vers la route - et finalement tu ne sais pas ce qui te fascines le plus - qu’il soit là presque tous les jours sur le grillage bord de route - ou bien qu’il soit toujours tourné vers la route -

et pourtant il n’a pas l’air de regarder vraiment les bagnoles qui filent filent sur’l’bitume - et peut-être que c’est ça plus encore qui’t’pousse à écrire ce texte ce soir - qu’y est une bête qui reste là sur le grillage au bord d’une route à r’garder l’bitume sans faire attention aux bagnoles aux cam’tards -

en arrivant sur le parking dans la pt’ite cité il fait presque noir et le moteur tourne encore - tu tapes sur le petit écran de l’ipod : "l’oiseau sur le grillage bord de route - souvenir d’avoir voulu faire liste des photos non prises et l’oiseau sur le poteau"