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liste des routes

mardi 16 avril 2013, par sebmenard

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Si tu pensais — ce serait sans doute pour tenter de comprendre pourquoi ça fascine une route — bien droite comme ça — une route qui va vers l’horizon — et qu’on voit pas la fin — et qui s’efface.

Mais tu ne penses pas.

Une route comme celle-ci — plein soleil et vent chaud poussière — le bus s’arrête devant une baraque et la fumée s’échappe des barbecues — tous on commande à un type des morceaux de viande et du pain pour les griller — ça sent la fumée de clope et de de viande brûlée — ça sent le bitume chaud et le gasoil — ça sent l’huile chaude et les moteurs brûlants — on arrive du Sud et on remonte plein Nord — derrière le bitume s’enfonce dans un nuage gris brun et la sable — ton appareil photo est dans tes mains — tu ne bouges pas — tu ne penses pas.

Sur un autre continent avec les sacs posés à côté à attendre qu’une bagnole passe pour nous emmener plus loin — il fait chaud mais le ciel est gris et la pluie fine qui vient de temps à autre — on a les gueules usées de la nuit et la peau crasse des matins sans soleil — le vent souffle et s’engouffre sur le bitume comme un bolide ou un semi-remorque — tu attends sur le côté — et tu ne penses pas — un camion passe qui semble soulever le bitume et les sacs.

Un autre jour en plein désert — au loin c’est le sable qui se soulève en tornade et le ciel est dans un mélange de bleu de brun poussière — ça dépassé les quarante degrés et ça sent le gasoil — ça sent le gasoil et l’huile chaude — ça sent la pisse et les chiens crevés — un camion passe vacarme et ferraille gomme chaude et bielles — tu es assis sur les marches et les sacs plastiques — tu ne penses pas — tu ne bouges pas — tu es là.

Des routes bien droites oui c’est ça — un jour elle file et tu as ton passeport dans les mains tu marches — autour grillages les barbelés caméras de surveillance lampadaires allumés jaunes dans le plein jour — le bitume droit bien droit jusque la barrière — plus haut des bagnoles mortes des chars d’assauts des caisses et impacts de balles des fusils mitrailleurs des baraques brûlées noires — et le type qui attend là que tu mettes un billet entre deux pages du passeport.

Un matin tu te lèves plus tôt que tous et fantôme tout seul dans le frais — tu vas tu marches dix mètres sur le bitume sans réfléchir et tu es là — tout à fait là.

Un autre jour tu es à l’avant du bus et c’est le soir — dans le jour qui tombe l’autoroute file bien droite devant — il y a quelque chose c’est une brume et le bus remonte plein Nord — tu traverses une ville et tu ne sais pas son nom — les immeubles sont tous alignés le long de la langue de bitume il y en a plein et ils s’enfoncent dans la brume — tu regardes à droite les immeubles tous alignés tu regardes à gauche les immeubles tous alignés — et tu ne penses pas.

Un autre jour il fait encore plus chaud et le bitume est noir vraiment noir et la terre est jaune vraiment jaune — le minibus s’arrête devant la barrière — peut-être que tu voudrais vomir — un type entre qui a un fusil mitrailleur ses pas sur le plancher la texture métal du canon de son fusil mitrailleur — derrière la barrière des types attendent un fusil pointé droit — une jeune femme fait le tour du minibus lentement — quelqu’un ouvre une fenêtre — devant — derrière le pare-brise derrière la barrière — la route file bien droite jusque des collines — tu attends — tu as peur — tu ne sais rien.

Un autre jour la voiture file bien droite cent trente kilomètres à l’heure vers l’Est — tu es assis au milieu de la voiture à l’arrière et tu écoutes le moteur — on te parle et tu ne comprends pas — au loin c’est flou l’horizon maïs et baraques en briques les murs sont calcinés noir noir.

Tes fantômes c’est des monstres ils n’existent pas et toi avec — tes fantômes c’est des monstres ils creusent des tunnels et tu cours tu cours encore à l’intérieur avide et chancelant.