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Debout sur le col de Borşa

jeudi 29 août 2013, par sebmenard

proposition 1 : quatre variations lieu


Un jour au col de Borşa on ne connaît pas son nom — ça se passe dans une odeur de diesel et de fatigue — il y a aussi de la sueur et l’air frais des montagnes du Nord — on claque les portières dans la poussière et sur les gravats — derrière une rambarde en bois on regarde le bitume qui s’étire — on ne connaît pas le nom de nos routes ni même les lieux de nos nuits — on a la gueule sèche des types qui ont trop parlé et personne pour leur dire silence — de toutes façons ils n’écoutent rien — ce jour-là on ne sait rien — du nom des montagnes du nom des rêves — des danses qu’on tourne à plusieurs les nuits et des viandes qui grillent sur les feux — quelqu’un demande de l’argent pour son gosse et un cheval pour courir sur les herbes vertes — les nuages s’entassent là-bas et on cherche un lac salé.

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Un jour au col de Borşa il fait nuit — on arrive dans un brouillard épais et affamés — sans doute que l’un d’entre nous se souvient de cet endroit — sans doute que l’un d’entre nous pourrait encore mettre son doigt sur une carte et dire : c’est là — c’est là le col de Borşa — c’est là on était arrivé une nuit et dans le brouillard — on cherchait un endroit pour dormir un endroit pour manger — sur la carte il ferait des cercles autour de ce mot-là Borşa et puis sans doute qu’il s’arrêterait un peu comme pour vérifier ses souvenirs — il y aurait l’histoire des viandes et des morceaux de pains — l’histoire des têtes de cerfs et des brouillards froids — l’histoire des liquides forts et chauds des danses dans la nuit — l’histoire des chambres et des billets qui passent d’une main à l’autre — à la fin on entendrait les portières qui claquent et ceux qui rient sur la banquette arrière.

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Un jour au col de Borşa ça sent la gomme chaude des pneus qui passent les cols — au loin il y a les meules de foin qui portent des noms et des herbes — là il y a les bêtes qui vont traçant leurs vies de bêtes et silencieuses — là il y a un homme qui parle à ses chiens et qui marche debout sur le col de Borşa — les nuages s’entassent et s’approchent et tout est noir de plus en plus gris noir — debout sur le col de Borşa on écoute le tonnerre qui résonne d’une montagne à l’autre — debout sur le col de Borşa on a les flottes qui claquent et s’étalent tout autour — le héros de quelle histoire pourrait-on chercher là — comment serait-il — marcherait-il — sans doute qu’il irait debout sur le col de Borşa et qu’il aurait son regard au loin comme ça — les nuages sont tous là et on cherche un coin pour dormir.

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Un jour au col de Borşa il n’existe pas — le héros de quelle histoire reviendrait sur ses pas régulièrement — il marcherait sur le bitume du col de Borşa et il y aurait une odeur de merde — celle des bêtes qui vont lentes sur le col et dans les herbes — il y aurait une odeur de sueur celle des types qui vivent et qui marchent debout sur le col de Borşa — le héros de quelle histoire se tiendrait donc là debout sur le vent — il raconterait en regardant au loin l’histoire du jour où le col de portait pas de nom — l’histoire de la nuit — l’histoire des orages — peu importe qu’on écoute ou pas son histoire du col de Borşa — ce qui compte ce jour-là c’est que le vent balaie la poussière là-haut — que l’un d’entre nous regarde debout vers là-bas et parle encore un peu — puis il dirait qu’il reviendra plus tard sur le col de Borşa et on espère tous que ça sente la merde la sueur les herbes et les vents.