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Ici

jeudi 4 décembre 2014, par sebmenard

Ici.

J’ai vu.

J’ai vu une femme qu’on traîne par les cheveux.

Comme ça — par les cheveux.

C’est la petite musique des sangliers il dit.

Et ontend le jean usé frotter le bitume ici.

J’ai vu comme on accélère bagnole comme on écrase des pédales en métal ici

on ne sait plus rien on oublie tout.

(c’est l’homme qui marchait dans la nuit — le revoilà)

Ici.

On écrase des bêtes.

On écorche.

Crache.

Épuise.

On n’a plus les mots pour ça.

C’est plus rien.

C’est vide là.

Ici.

On ne sait plus qui est l’ours qui est loup qui est homme.

On ne sait plus pourquoi ce poème a commencé comme ça

avec des ours des peaux de bête — des neiges

des neiges qu’on entend tomber des nuits.

Ici.

On ne sait plus comment ça marche déjà

la vie

on ne sait plus où sont les choses nos pas — on ne sait plus rien

ça s’oublie.

Ici.

On ne sait plus quoi faire pour que tout le monde se taise à la fin — on ne sait plus qui porte les masques qui porte les fourrures qui se cache derrière nos pas dans la poussière — on ne sait plus le nom des hommes le nom des femmes — on ne sait plus le nom des bêtes le nom des plantes — ici — on entend parfois le son des armes le bruit des fusils ici — on entend des cris dans la nuit on entend des voix s’élever encore écoutez il dit — tous des lâches il dit — ici — on n’a plus que nos histoires nos feux de bois nos poèmes d’ours et nos tendresses de loup — on n’a plus que nos terres nos bouches et nos suées.

Ici.

Ils ont pris les noms.

Ils ont pris les visages.

Ils ont pris note.

Tout est là.

Ici.

On attend encore un autre matin pour vérifier les mots pour vérifier les ombres — on attend encore un autre matin pour tracer des lignes — lever des grilles — creuser une tranchée — ici - on attend encore une autre nuit pour couler une route incapable — on attend encore qu’une lune disparaisse pour chasser qui — c’est pas des poèmes des histoires d’ours ou de neigesla nuit souffle il dit la nuit souffle.

Ici.

Des ombres !

Des bruits !

Des bras !

Des brâmes !

Brâmement — brassement — brasse.

Des gyrophares dans la nuit !

Ici.

Ne me dîtes pas qu’on entend encore quelques voix s’élever comme ça — entre les abres — entre les ombres — au travers du béton — au dedans — du bitume ?