Une nuit à Sabinov

La carlingue s’arrête devant un supermarché. C’était le temps des supermarchés. Rien d’autres dans nos alentours. Une caisse de bières et des vivres pour la nuit. Quelques dizaines de bougies. Il y avait des bougies chauffe-plats — des bougies rouges — des bougies blanches. Le shop c’est un de ces supermarchés bleu et blanc comme il y en a sur tout le continent. Des néons. Des sacs plastiques. Des pavés auto-bloquants. Des caddies. Un vigile. Quelques bagnoles sur le parking. Une affiche. Une réduction. Ça n’avait pas duré longtemps notre affaire il s’agissait d’aller s’endormir bientôt. On arrivait des fatigues de l’est et on avait d’autres villes à affoner. C’est comme ça qu’on faisait. Des bêtes. On prend le premier chemin à droite et ça monte. On grimpe jusqu’à ce que la voiture souffle un peu trop fort et alors ça sent l’huile chaude et le vieil acier. Le ciel faisait gris foncé gris clair et du vent. Autour des sapins et sans doute aussi l’odeur de la pluie. On a monté deux tentes là dans le champs en pente. Les herbes étaient encore sèches et on terminait tout juste quand la pluie a commencé à tomber. On a allumé des bougies sous la tente. On a bu des bières allongés dans l’herbe. On a mangé des trucs. On a raconté des histoires. On a dit le nom des villes. On a rallumé des bougies soufflées par le vent. On a écouté la pluie. Voilà. Rien de plus. C’était une nuit à Sabinov. Sans doute qu’on avait un carnet pour noter des trucs. Personne pour tricher et aller vérifier.