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la route elle nous mange c’est comme le poème

vendredi 7 octobre 2016, par sebmenard

on roule — lentement — lentement on roule

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on prend la route — la route on répète comme ça
la route

route de l’est
les plaines de l’est
collines
bêtes de l’est
sueurs
poussières — frontières — flottes — bagnoles de l’est
le ciel de l’est — le grand ciel de l’est
le vent — grand vent soleil & torrents

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule — lentement — on file

bécanes nos muscles gonflent
suivons la trace la carte
soleil sur nos peaux
on a la marque des jours sur nos tee-shirts & nos peaux

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule

on graisse — on dégraisse
on gonfle
bécanes & culs sur selles — selles de cuir contre cuir & peau à peau

tes mains sur un guidon à driver des rêves

on roule
nos jambes nos corps
machines à foncer les pistes

(on aime voir nos ombres sur la terre)
(on aime voir nos corps filer poussières)

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule

on garde ça la route

on consigne des possibles et le nom des hommes — le nom des femmes — le nom des villages le nom des vents — le nom des rivières — des shops — des chemins — des pistes des traces — le nom des vivres — des tisanes — des bières — et des soupes — on garde ça dans nos carnets nos corps le nom des gares — le nom des bêtes

machine

on note des pistes et des kilomètres
la couleur du ciel
un beat — un gimmick
un numéro de téléphone

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

monstres des chemins

on dort derrière les digues — entre les murs — à l’entrée des villages
maisons abandonnées — fermes — cours d’école
abris — on cherche des abris des lieux à couvert
nous dormons dans les champs — prairies — derrière les maïs — les blés — vignes — oliviers — fruitiers
nous dormons à l’entrée des forêts
nos corps là — on écoute
on écoute le bruit des arbres
le cri d’une bête
on dort là — au bord des asphaltes — face les entrepôts — les cabanes — les chantiers
on dort là — près des rivières — feu de camp on allume un feu on aime ça
allumer un feu
fumées

un appartement pour une nuit
une plage

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule

on roule ça nos corps
suées

on roule ça nos corps

on roule jour après routes encore pistes
on cherche des puits des robinets — torrents sources & flottes

on plonge nos mains nos corps dans les eaux fraîches
on laisse les gouttes sur nos peaux
tout coule et mélange de sueur — de poussière — de flotte

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on a nos corps là
battements — battements
galops

nos corps nus à travers le continent — nos corps nus au bord des rivières — nos corps nus vers l’est — nos corps nus qui cherchent — qui se cherchent — qui se touchent se serrent les nuits froides (un matin de février — l’eau gelée figée dans la bouteille en plastique) — les nuits chaudes nos sueurs — l’odeur de nos tissus de nos corps nus des routes l’odeur des routes

et nous on roule

sur le quai d’un port : des migrants
à la frontière de l’est : les fusils mitrailleurs
dans les villes : les mots sur les murs
il y a encore
les semi-remorques les trucks et les diésels immondices
les plastiques
une nuit deux uniformes et lampes torches venus là

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on compte
une pièce est une pièce — un billet un billet sur la route
tout s’égrène

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule

n’écrit pas
on n’écrit pas des blues comme ça
on répète nos mots
toujours les mêmes mots

on cherche les étoiles et les vents — les forêts les cabanes — on regarde là-bas l’horizon on regarde l’horizon ensemble et dans le même temps on regarde nos yeux — on porte nos yeux là-bas ensemble en même temps— on se sert c’est ça
on se renifle j’aime passer mes mains dans ses cheveux dans les herbes de la route

ça brûle
ça brûle la route
ça brûle nos nuits là-bas
ça brûle nos peaux — le soleil — comme les pluies froides

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule

lentement on roule — lentement

on a des cartes on met nos doigts dessus nos doigts sales des poussières et des routes
on regarde une carte dans le même temps

on trace ça des chemins des pistes
on a la route là devant qui file
toujours
route

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

un jour on s’arrête au bord
nos corps dans l’herbe
allongés là nos peaux contre la terre tu sens le battement
tu sens le battement des corps le battement des peaux
le battement de la terre — et ça tourne — ça tourne

on aime ça la terre nos mains dans terre
nos mains sur la poussière

tendre bête la vie
tendres bêtes nos carcasses

on aime ça quand la nuit vient et alors tout s’éteint — et alors tout s’allume les bêtes commencent leur vie de bête — des cris dans la nuit — un renard quelque chose galope là-bas — une biche son regard dans la brume

 

 

 

 

 

*

 

 

 

 

 

on roule

l’horizon défile
lentement
on pense à la route
on pense à eux là-bas

on pense aux poussières
aux doutes
aux minuscules

on roule

la route elle — elle nous mange c’est comme le poème