Vers l’Ouest ou vers l’Est, la langue et la route

On était plantés devant l’Arcade avec des copains quand j’ai pris la décision de partir. C’était le jour. On avait les mains dans les poches.

Vers l’Ouest, Mahigan Lepage, Publie.net.

Ca commence comme ça - Vers l’Ouest - et parce qu’on a tous pris la décision de partir un jour - et parce qu’il y a eu un jour - on est happé dès les premières lignes.

[|Photograhpie : AnCé t., Novembre 2011, Roumanie.|]

Après - ça file ça file - on pense à nos parents quand on fait ça - toujours - pourquoi - on a tous nos routes à affoner - à bien comprendre Mahigan Lepage - une histoire de taf - y’a quelque chose avec le père.

Plus jeunes ils étaient partis eux-mêmes. Ils étaient allés dans l’Ouest. Ils avaient cueilli des pommes.

Vers l’Ouest, Mahigan Lepage, Publie.net.

Par ici c’est plus vers l’Est qu’on va - c’est la même chose - sinon que quand on se lève le matin pour avancer encore - on a pas le soleil au même endroit sur notre gueule.

On fait ça aussi - on part - avec des potes - on se donne des noms - on s’invente des histoires - dust generation - et on est sûr de rien.

On était une génération perdue, peut-être même pas une génération.

Vers l’Ouest, Mahigan Lepage, Publie.net.

Les villes qu’on traverse les villes qu’on approche - souvenir d’une entrée dans Belgrade - comment on entre dans une ville comme on sait qu’on est entré dans une ville - ce qu’on voit ce qu’on sent - c’est là - ce qu’il y a sur la route comme les routes elles se croisent et toutes ces choses qu’on découvre derrière un pare-brise ou sur le bord d’une langue de bitume.

Je me suis habitué avec le temps à reconnaître l’amorce d’une ville l’amorce de Montréal en particulier, à l’alignement des bâtiments industriels et administratifs le long de l’autoroute.

Vers l’Ouest, Mahigan Lepage, Publie.net.

[|Photographie : AnCé t., Bucarest, Roumanie, janvier 2012.|]

Et comme chez Kerouac - c’est la langue la langue qui file - un peu les drogues ou encore l’argent - comme parfois on économise tout ce qu’on a pour aller où.

J’étais très excité. J’avais travaillé pendant des mois afin d’amasser de l’argent pour ce voyage.

Vers l’Ouest, Mahigan Lepage, Publie.net.

Le stop aussi - faire du pouce comme ils disent - et parce qu’ici - dans notre plaine d’Europe de l’Est - faire du stop c’est souvent - pour rentrer du boulot rallier la gare - mais qu’est-ce que c’est faire du pouce au bord d’une route - pour traverser un continent.

[|Photographie : SebMénard, Argès, Roumanie, Novembre 2011.|]

Et quel continent - les villes et leurs formes - on l’a dit - les terres immenses entre elles - les hommes qui les habitent - comme ils sont comme ils parlent - les petites histoires parce qu’on est tous pareil - quand on fout notre corps au bord de la route - ou du chemin.

Au matin un homme nous a réveillés. Il donnait des coups dans notre tente en criant You can’t camp here. Mon copain a répliqué par une des seules phrases d’anglais qu’il connaissait, sortie tout droit d’un film américain : What the fuck is goin’on.

Vers l’Ouest, Mahigan Lepage, Publie.net.

On le sait Kerouac - ça se relit bien passé la cinquantaine - un morceau de langue comme Vers l’Ouest - ça se relit aussi - un souffle d’un seul tenant - une virée de langue.

[|Photographie : SebMénard, Severin, Roumanie, Décembre 2011.|]

Boite Noire |
J’ai lu Vers l’Ouest il y a quelques mois et c’était un vrai souffle en pleine face. Relu aujourd’hui et tout ce qui résonne avec - parce que c’est ça - nos routes à nous tous - elles sont là aussi. J’avais pensé à une série de photographie de routes - de routes droites - comme cette piste dans l’Olt en Roumanie - dix kilomètres comme ça et pas un seul virage - finalement de petites variantes - et deux photos d’AnCé t.
Aussi parce que depuis - suivre régulièrement le site de Mahigan Lepage à cette adresse. Une version papier de Vers l’Ouest a été publiée aux éditions Mémoire d’Encrier.

[|Photographie : SebMénard, Olt, Roumanie, Octobre 2011.|]