faut aussi dire que la première fois t’es venu là surtout t’y as même pas pensé au panneau et pas sûr que tu l’aies vu mais le type qui conduisait le minibus jaune il disait tout et c’est plutôt lui que faudrait écouter même aujourd’hui c’est plutôt lui qu’il faudrait écrire

mais tu sais bien que ça se passe comme ça les types ils attendent toujours un peu puis ils se font passer la thune celui qui est là - assis le plus près du chauffeur il pose les pièces dans la boite le chauffeur il recompte et puis il gueule par la fenêtre en même temps ou alors il bouffe une pastèque il demande d’où tu viens parce que t’as pas une gueule à habiter là


tu sais pas vraiment mais peut-être que c’est pour ça que t’es venu jusque là - être sûr que ça tenait encore d’être là - de marcher seul dans les rues poussières et de sentir la sueur qui sèche sur le tissu de ta chemise - de sentir le vent frais de la nuit d’août - et de marcher


encore qu’une fois et ça t’avait plutôt surpris qu’ils soient là à dépecer une vache - elle était là ils l’avaient pendue par les pieds et le sang partout les néons verts y’avait ça aussi les néons verts les coups de klaxon et le bruit d’une télé derrière les types chez le barbier


une autre fois la vache pendue par les pieds entre Naplouse et Ramallah enfin vraiment plus au Nord - plus près de Naplouse même - avec le soleil comme ça qui te vient en pleine gueule la clim dans le mini bus - la bête à l’accrochée par une patte c’est une vache blanche noire la peau à l’éventrée immense le corps de la bête un gosse à côté un type il met sa main dedans un taxi s’arrête là tout près deux gars - ils sont assis derrière ils regardent comme on dépèce comme on découpe le sang - rouge rouge sur le trottoir dans le grand ciel jaune

l’idée c’était de parler du vent frais de la nuit à travers la vitre du mini-bus qui quitte le camp retour Ramallah mais c’est vrai que sans parler du camp et du départ comme ça de la route qui secoue ça marche pas

et ce que ça tremble en toi d’écrire ça les néons verts du minaret de la mosquée

c’est très clair et c’est une autre histoire - enfin pas complètement parce que justement - la première fois que t’as mis les pieds ici c’était juste avant ce soir là - il faisait chaud c’était le mois d’août sur Damas - et tu sirotais des bières sur le mont Quassiun - en bas les mosquées toutes néons verts les phares des bagnoles et la lune dans le noir - tu remontais tout juste du sud sur les larges bandes de bitume et le soleil
Sur la petite place en haut tu montes dans le minibus jaune et quand il démarre t’attends un peu puis tu sors tes shekels c’est trois shekels le trajet et ça secoue un peu - le bitume troué les pierres sur la route et les bagnoles qui sont là arrêtée les types ils parlent à d’autres sur le trottoir - la route monte sur un kilomètre peut-être et les maisons du village se font de plus en plus espacées - dans la nuit tu le vois bien parce que y’a de moins en moins de lumière et puis tu passes sous le portique à l’entrée c’est écrit Jalazon en arabe et le camion file à droite.

Le mini-bus jaune quitte le camp et c’est la nuit - les types sont dans la rue qui fument des clopes tous assis sur les chaises ou debout comme ça sur le bitume et le béton qu’est là plein de poussière - y’a les néons verts sur le minaret de la mosquée et tu marches seul dans la rue et t’es heureux de marcher comme ça seul dans la rue d’avoir le vent frais de la nuit d’août dans la gueule et la sueur sèche sur ta chemise.