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Ils viennent

mardi 3 novembre 2015, par sebmenard

Le cheval est sa bête et il lui parle en criant parfois — en allant vers le col de Borşa qui pour venir lui barrer la route — quels indiens pour quel vieillard et les ours alors — il dit qu'il n'a jamais vu d'ours ici qu'ils sont plus au sud sans doute et que c'est à force de les nourrir — sa charrette chariotte chargée chasse sur les boues les flottes s'il pleut — sa charrette chariotte chargée chasse dans les poussières si c'est de poussière que le col ce jour-là voulait parler — d'un vieux sac en toile de jute il goutte une bière chaude et sur son front s'écoulent les sueurs.

(…)

Venant d'un autre continent ils marchent — quoi pour les avoir fait fuir quoi pour les avoir mis sur la route — si on écoute leurs poèmes sans doute qu'ils diront qu'il n'y a pas de raison que c'est ainsi et qu'il en sera toujours ainsi — c’est la première fois qu'ils passent le col — ils viennent d'un autre continent et ils marchent — ils passent le col de Borşa et là ils dorment — c’est leur première nuit au col de Borşa — c'était il y a plusieurs centaines d'années.

(…)

Il dit que vivre sera ainsi — il dit que c'est chaque matin on se lève on roule par exemple on prend un train un cheval une bagnole et on a toute la journée pour être ailleurs — peut-être qu'il a peur de ne rien faire sans doute qu'il préfère s'épuiser — son corps ça sera un steak dur un jour et plus rien pour irriguer ses veines — il dit que ça n'a pas de sens la vie qu'on mène et il regarde la vallée du haut du col de Borşa — il tire un clope il dit que c'est le pire les mecs qui produisent des clopes et puis rien — peut-être qu'il s'endort peut-être qu'il fait semblant — d'un coup il se lève et au rade commande deux bières — il dit c'est bien ici on peut redescendre trouver un endroit pour la nuit.

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Il marche et bedonne silhouette ou donc — sac plastique en main tenant un bâton pour son corps usé debout lui aussi — et qui parle à ses bêtes comme aux bagnoles — renifle renâcle râle et souffle son chapeau d’une suée l’enlève puis s’essuie le front d’un bras passe là devant les yeux noir puis jour revient — le chapeau sur la tête aussi il dit quoi dans son monde à lui — au virage il prend le chemin qui monte et tout simplement pfiut disparaît entre les arbres et sombres.

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Elle porte dans ses bras un bébé tout sec et soif — il fait chaud elle dit et rien pour manger — elle gratte sa peau dure et brune à l'ombre d'une croix en bois — le vent souffle ses cheveux pour acheter de l'eau elle veut de l'argent — un homme il pose une barquette de frites à côté et puis il continue de marcher dans la poussière — la couleur de son petit c'est jaune jaune et sa peau ne bouge pas non plus comme il respire alors — après elle jette des cailloux en cachant ses yeux du soleil et des gueules.

(…)

On ne sait pas qui est important — le col ou bien ceux qui le traversent — on ne sait pas où est notre récit — on guette des silhouettes — on y croit — et puis ça s’éteint.