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Karl Dubost | l’amour la vie
mardi 29 mai 2012, par
Il faut reprendre le fil du web pour bien comprendre - le site de Karl Dubost - le défi Gayrard/Bon - ce qu’en dit Karl Dubost et les deux ensembles Avez-vous connu l’amour ? (et sur le site de l’éditeur) et L’Ange comme une extension de soi (notes de lecture à venir) - ils sont différents - pareils - entiers - on aura ce questionnement - à quoi bon compiler dans un fichier numérique ce qui est là disponible - et ce qui se joue alors peut-être c’est aussi celui qui lit/compile - trace des chemins.
2La phrase Dubost2
Lire le premier texte donne le phrasé Dubost - pas facile vraiment d’en décrire les aspects - alternance de phrases courtes et longues tout à fait rythmées du naturel de la pensée - une précision - voilà - une pensée et son chemin sous nos yeux :
Je me suis allongé là, les herbes dans les cheveux, le ciel renversé sur mon corps et j’ai laissé les papillons se poser. D’une caresse unique à chaque fois, leurs ailes chargées d’une rencontre stochastique, le charme des couleurs d’un ailleurs, la nymphe diurne ou crépusculaire accompagne mes voyages sur les chemins buissonniers au fond de la vallée de Nerval, jusqu’au bout d’un orient aux accents de kabuki.
Libre, je suis né de par mon nom, libre je resterai car j’ai choisi d’être un libre penseur du chèvrefeuille.
Je ne réduis pas mon unité à deux. « Être deux » ne se définit pas seulement dans l’amour « de n’être qu’un » et comme le dit si bien Beauvoir « ce couple ne peut suppléer aux éphémères richesses des rencontres avec des êtres différents ; comment consentirions-nous, délibérément - à ignorer la gamme des étonnements, des regrets, des nostalgies, des plaisirs que nous étions capables aussi de ressentir ? »
L’amour, c’est l’art d’être libre.
2Construire des images2
C’est une consigne d’écriture à elle seule - construire des images semble parfois un jeu sans fin - pas sûr qu’on puisse appeler ça « un jeu » - une respiration - une performance ordinaire et c’est souvent dans la douceur - la douceur voilà :
Ma journée est le grenier d’une grange dans lequel on trouve bien sûr des souvenirs mais surtout où on crée des aventures neuves, sur des terrains inexplorés.
2Les femmes2
Cut-up de titres à travers l’ensemble « Avez-vous connu l’amour » :
Femmes du japon - Baiser - Jouir - Entre ses mains je m’abandonne complètement - Ses cheveux, encre noire de mon désir - La jeune femme du midi - Aneette chez Dusty’s - La déesse du printemps attendait le train du 21 mars - Chambre avec vue - Carmen et moi - Ses mains comme des mots - Attendre une femme - Le souffle d’un baiser - La femme et le pantin
Après cela - se rendre compte d’une réalité : ce pan de l’écriture de Karl Dubost n’était pas entièrement là - dans ma lecture en ligne - y apporter de l’attention c’est sûr - mais pas autant qu’à d’autres aspects - et ici clairement - les femmes - donc se pose la question de l’édition - puisque quelqu’un a choisi de réunir ainsi ces textes - ce qui s’explique ainsi c’est autant le regard de l’éditeur (lire plus bas) que celui de l’auteur - en creux nous-même - nous lecteur - nos attentions - ce à quoi on s’attache ce qu’on retient.
2L’amour la vie2
C’est à tout moment - ranger des livres suffit pour commencer à se questionner ains (mais on sait l’importance du rangement des livres - chose qui se pratique sur l’ordinateur aussi) :
Je prends livres sur les étagères par pile de dix. Le tas est sur mes genoux. Je rentre le numéro ISBN dans l’ordinateur. Cette opération m’intrigue.
L’écriture les livres - il y a cette façon de décrire - c’est précis et libre à la fois - on puise dans le plus ordinaire et le plus personnel pour s’étirer vers le monde l’ensemble.
Liberté - le concept revient souvent - libre dans le questionnement - libre de chercher - libre de s’exprimer :
La vie est belle, oui, mais pouvoir choisir c’est encore mieux. Et ces derniers mois ont ne m’a pas laissé beaucoup de choix.
Alors donc - si c’est l’amour et puisque ce mot contient des mondes entiers pour chacun - la pensée se doit de clarifier l’écrire :
J’ai aimé de nombreuses fois, mais je n’ai aimé que quelques fois. On voit bien que là, il y a un manque qualificatif.
Ce qui interpelle le plus : l’attachement à l’humain - un attachement presque militant - peut-être pas dans le verbe - encore que c’est sans doute aussi ce qu’on découvre de précision et d’attention dans l’écrire même - mais c’est autant une façon de vivre - un véritable vivre - ici à la table d’un café :
J’aime ce contact futile et éphémère, celui où l’on ne se contentent pas d’une relation préfabriquée de commandes, de clients et vendeurs, mais juste de comprendre que ce n’est pas seulement une serveuse, mais une femme. Je hais les relations commerciales, je chéris le contact humain.
L’humain donc - et plein de sa réflexion - raisonnée - entière et permanente :
Aujourd’hui, j’ai réalisé que depuis mon arriée, je n’ai pas acheté de nourriture pour plus d’un jour. Je ne fais pas de stock. Je n’engrange pas. J’achète uniquement ce que j’ai besoin de consommer. Ce n’est pas réfléchi. C’est un nouveau réflexe acquis au Japon.
2L’intime2
Qui publie ainsi régulièrement (et depuis plus de dix ans) ses carnets en ligne a son comptant de réflexion concernant l’intime et le privée - penser à l’activité photographique de Karl Dubost à ce propos - plusieurs textes dans cet ensemble - les mots eux-mêmes interrogent :
J’aimerais vous dire que l’intime existe mais qu’il n’est en rien la vie privée, que ce sont là deux notions qui sont confondues aisément. L’intime est très souvent présent, il fait partie de notre quotidien, alors que la vie privée n’existe pratiquement pas. Le droit à la vie privée est une illusion, une illusion fabriquée par nos lois, par notre peur de l’autre, par notre angoisse d’exister.
Et le dernier texte de l’ensemble rebondit sur ces réflexions - ça s’ouvre - ce sont des zones d’ombres qu’on peut explorer - c’est une invitation - à la lecture - à l’écriture - à la pensée - au vivre.
Nous avons tous des zones d’ombres, un non lieu tapi au fond de notre âme.
2Jean-François Gayrard et son chemin2
Au fil de mes lectures et de mes relectures, petit à petit, tel le sculpteur devant son tas de terre glaise, j’ai commencé à dessiner les contours non pas d’une histoire mais d’un voyage, un voyage dans lequel l’amour, les livres, les rencontres, les femmes sont omniprésents avec, en toile de fond, les décors urbains de Montréal, de New York, de San-Francisco, de Tokyo.
Le Web est un grand livre ouvert, un espace de création littéraire vivant. Tenter d’en extraire l’essentiel est quasiment une mission impossible mais une épreuve délicieuse.
Et c’est bien cela La Grange - cette façon qu’on a d’attendre toute nouvelle mise en ligne sur le site - quand au web comme un grand livre ouvert - qui fait l’expérience de la lecture en ligne sait comme ça résonne - et comme ce questionnement prend toute son ampleur là - dans ces deux ensembles de textes (L’Ange comme extension de soi : notes de lecture à venir).
2Boite Noire |2
Avez-vous connu l’amour - publié par Numerik’livres - choix de texte Jean-François Gayrard.
Lecture sur l’iPod et prise de note à la volée sur iBooks.
Lire Karl Dubost en ligne - c’est une mine.
edit : lire aussi l’article de Pierre Ménard :
Le plus beau livre de l’année est donc celui d’un auteur qui ne l’a pas écrit, le livre inventé par deux éditeurs numériques dont la version de l’un (le numérique comme poésie de la ville, pour François Bon) ne peut se lire sans celle de l’auteur (l’amour comme poésie de la vie) et surtout sans la lecture attentive, régulière du texte en ligne sur le Web qui se poursuit, et dont la lecture est un plaisir sans cesse renouvelé.
Image : reflets dans une table de bar - Alba Julia en Roumanie - avril 2012.