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Traité des poussières | 52
lundi 19 septembre 2016, par
Je suis allé voir mon ami forgeur de couteau. Il m’avait dit : « tu vas voir, à la forge, il y en a de la poussière ». Et il y en avait. Le soleil se lève doucement et chauffe le petit appentis. Il finit par entrer dans la seule lucarne ouverte. La forge est juste devant. C’est une très petite forge. Fabriquée avec quelques pièces de récupération. Ça suffit pour forger des couteaux. Ce matin-là, il a commencé par dérouler un ressort d’amortisseur. Il voulait en prendre un morceau et le transformer en couteau. Il forçait sur son amortisseur et ça soulevait toute la poussière dans la pièce. La forge était de plus en plus chaude et ça s’échappait des poussières, des particules en suspension dans le soleil blanc du matin. Nous avons remué des poussières comme ça pendant quelques heures. À la fin, mon pote tenait à me montrer une technique particulière. Il m’a dit : « tu vas voir, toute la poussière qui s’envole ». J’étais prêt. J’attendais. Il fait chauffer son jeune couteau. Le métal devient rouge. Il inspecte à plusieurs reprise la chauffe. Puis il attrape une corne de vache. Et il passe cette corne de vache sur la lame encore rouge du couteau. Ça s’envole fumée poussière et corne de vache dans la petite pièce. Tout s’enfume. Nos pieds soulèvent la poussière. La corne de vache fait des allers-retours sur le métal. Et le couteau change de couleur. Alchimie des poussières.
P.S. : les susdites cornes proviennent de l’atelier du grand-père de mon pote qui était lui-même forgeron. Ces cornes de vache elles-mêmes avaient accumulé pas mal de poussière.
P.S. (bis) : A priori le grand-père n’était pas vegan. Cependant rien ne dit qu’il consommait des viandes.
P.S. (ter) : Nous sommes poussières.