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journal permanent | 6 janvier 2022

jeudi 6 janvier 2022, par sebmenard

nuit agitée
l’enfant rréveillé en pleurs
puis vite rendormi

je lis
je lis dans la nuit
je relis les lettres à un jeune poète de Rilke
dans une édition récente
(où j’apprends par exemple
que Lady Gaga lit parfois
Rilke
sur scène)


je cherche
une façon de répéter des gestes simples
ordinaires

quotidiens

tout en étant là
tout à fait là

je cherche
une façon d’aller
le pas peut-être le pas

je cherche ça
cette respire là

le souffle aussi
son mouvement
piston continu

je cherche
une autre façon
de le dire


Rilke parle beaucoup de l’amour et de l’acte créatif — ça je ne l’avais pas bien lu


il y a sans doute
une façon de prendre soin
de soi
des autres
des ressources
de tout ce qui vit
et de tout ce qui regarde la vie se faire
de tout ce que ma langue
ne peut embrasser
ni même
nommer
par ignorance
ou humilité

il y a sans doute
une façon de prendre soin
de l’esprit des lieux
sans même savoir
ce que c’est
l’esprit des lieux

une façon de prendre soin
du sens des lieux
sans même comprendre
ce que dit le sens des lieux

une façon de prendre soin
du doute
de l’ignorance
de la peur qui nous mange
et que l’on mange
des morts qui nous entourent
nous accompagnent
et nous poursuivent

il y a sans doute
une façon de prendre soin
des jaillissements soudains
sèlve surgie torrent source
fontaine sauvage voilà

il y a sans doute
une façon de prendre soin
des eaux qui nous constituent
nous parcourent
et nous traversent
comme nous traversent
les rencontres
les récits
et certains passages
dont nous ne savons rien
sinon qu’ils nous traversent
et nous poudroient d’inconnu
de tremblements
et d’incertitudes

il y a sans doute
une façon de prendre soin
du silence qui nous envahit
et nous fait
toute une nuit dedans

une façon de prendre soin
de cette nuit intérieure
et des nuits qui se suivent
et reviennent pulsations pour nous les bêtes
une façon de prendre soin
de notre chose enfouie
du dedans tapie
de ce qui rougoie peut-être
et ce qui tremble aussi
tout au fond et tout là pourtant

prendre soin
de notre incapacité à le dire
ça
et tout le reste attends
il y a sans doute
une façon de prendre soin
des vents
des pluies
des tempêtes et des orages
de leur évidence
de vent
de pluie
de tempête
et d’orage
une façon de prendre soin
de leur simplicité de vent
de pluie
de tempête
et d’orage

il y a sans doute une façon de prendre soin
des débordements
des crues et des échappements
qui nous tiennent debout
et qui nous laissent aller
comme on laisse filer
une bête sauvage dont on vient
de croiser le regard

une façon de prendre soin
des cris
des égarements
et des hurlements
qui libèrent et tordent et terrassent et usent
et dont l’usage
nous est compté
j’aimerais aussi je crois
trouver une façon de prendre soin
et écouter
les colères
les miennes
et d’autres encore
trouver une façon de prendre soin
de ma petite peur au dedans
de l’idée d’aimer mieux encore
prendre soin enfin
d’écouter voilà tout simplement
c’est là c’est ça
écouter

écouter encore