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C. & O.

mercredi 11 novembre 2015, par sebmenard

Ce qui me rassure le plus c’est qu’on n’est loin d’être les seuls à traverser le continent d’ouest en est. D’ailleurs — je suis persuadé qu’il y en a assez pour le traverser du nord au sud par exemple. Et c’est sans compter ceux qui ne tiennent pas des caps dans le genre — ils ont sans doute raison. On ne parle pas assez d’eux.

C. et O. ont fini par acheter deux vélos à vingt balles pièce sur une brocante et alors ils foncent vers l’est. Ils ont l’habitude des grandes traversées intérieures et se retrouvent chaque été pour se faire trembler comme ça.

O. s’est coupée les cheveux toute seule elle a mis une vidéo sur Facebook de ses cheveux qui disparaissent. C. continue à fumer il ne peut pas s’arrêter de fumer même s’il traverse le continent à vélo. Dans un grand carnet il écrit des trucs et sait qu’ensuite il va rentrer pour servir de la bouffe et des boissons dans un restaurant sur un autre continent.

Ils ont mis un backpack sur le porte-bagage de leur vélo et quand ils s’arrêtent ils ont juste ce backpack à sortir et ils continuent comme ça.

C. dit des trucs comme ça :

  • « c’est étonnant c’est mystérieux vers l’est »
  • « c’est des grandes plaines toutes sèches »
  • « je sais pas ce qui vous arrive mais le vent il est dans votre tête ».
  • « j’ai beaucoup consommé étant jeune »
  • « les gens ici sont formidables et tellement chaleureux »
  • « on dirait des sortes de ruines modernes et tristes »
  • « ça fait des sortes de petites collines étranges on peut s’imaginer plein d’histoires »
  • « c’est vraiment fascinant comme ils ont un côté théâtral ici — on dirait des personnages — tous »
  • « le pire c’est les maringouins »

O. écoute et rit et elle raconte aussi ses histoires de la route ou alors — elle tient devant son appareil photo reflex l’objectif qui ne veut plus s’y visser.

Un soir ou deux soirs on a bu des bières en racontant nos histoires en écoutant leurs histoires — c’était beau comme l’est lointain — il y avait des chiens qui hurlaient et qui veillaient sur nous — il y avait les étoiles de l’est dans le ciel de l’est et assez de bière et de légumes pour tout le monde.

Eux — ils filaient plein est sur leurs vélos usés — ils devaient atteindre une ville de l’est et ensuite rentrer vers leurs mondes plein ouest.

Peu importe les directions ce qui compte c’est les mots et leur souffle. Nous — on avait notre histoire à affonner. Ce qui serait bien c’est de se recroiser un jour — je veux dire — autrement que dans une histoire comme celle-ci.

Un soir j’ai écrit dans le carnet de C. quelques noms d’auteurs — dans mon carnet il a noté son adresse email — ensuite on a appris que C. et O. étaient tombés malades sur la route de l’est mais qu’ils sont bien rentrés dans leur ville de l’ouest — un jour je leur dirai cette histoire à voix haute et ensuite on aura une bonne raison pour fêter ça.