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Michaux, Henri | Poteaux d’angle

dimanche 9 mars 2014, par sebmenard

N’apprends qu’avec réserve.

Toute une vie ne suffit pas pour désapprendre, ce que naïf, soumis, tu t’es laissé mettre dans la tête — innocent ! — sans songer aux conséquences.

(…)


Non, non, pas acquérir. Voyager pour t’appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin.

(…)


Va jusqu’au bout de tes erreurs, au moins de quelques unes, de façon à en bien pouvoir observer le type. Sinon, t’arrêtant à mi-chemin, tu iras toujours aveuglément reprenant le même genre d’erreurs, de bout en bout de ta vie, ce que certains appelleront ta « destinée ». L’ennmi, qui est ta structure, force-le à se découvrir. Si tu n’as pas pu gauchir ta destinée, tu n’auras été qu’un appartement loué.

(…)


La pensée avant d’être oeuvre est trajet.

N’aie pas honte de devoir passer par des lieux fâcheux, indignes, apparemment pas faits pour toi. Celui qui pour garder sa « noblesse » les évitera, son savoir aura pour toujours l’air d’être resté à mi-distance.

(…)


Tu es contagieux à toi-même, souviens-t’en.

Ne laisse pas « toi » te gagner.

(…)


Plus tu auras réussi a écrire (si tu écris), plus éloigné tu seras de l’accomplissement du pur, fort, originel désir, celui, fondamental, de ne pas laisser de trace.

Quelle satisfaction la vaudrait ? Écrivain, tu fais tout le contraire, laborieusement le contraire !

(…)


Michaux, Henri, Poteaux d’angle, Gallimard, 1981.


Ces quelques extraits : dans les premières pages de Poteaux d’angle, choisis parce que souvenirs de première lecture — dans le même temps : savoir que l’ensemble de ces textes prennent sens et se tiennent entre eux – échos et répones – questionnements et chemins – ensemble qu’on voudrait pouvoir garder entier.