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Rouzeau, Valérie | Quand je me deux

jeudi 27 juillet 2017, par sebmenard

 « LOCO GIORNO (rail mouvi)

À Jean le Jour, of course, et à Michel Fréard, Jérôme Prévost, Jean-Pascal DUbost, Arlette Albert-Birot, ainsi que l’anonyme cheminot qui se reconnaîtront.

D’octobre fou jour John in Paris en gare de l’Est rendez-vous nous
Allons dans la Pouilleuse Champagne en haut de la rémoise montagne
Fucking bubbles nous nous lançons dans une conversation qui grise
We gave a party for the gods Zeus Apollon Diane Dionysos
Y étaient tous the gods all came. Comme au loto les numéros
Sortent un à un voici celui de notre train pour Charlestown
Via Épernay Reims et Rethel nous embarquons dans le corail
To Charleville c’est indiqué en lettres bleues hublots voitures
C’est toi qui ouvres la saison avec la sagesse des sorcières.

Sans tarder nous voici partis It’s early John watch à sa montre
It’s early et drôlement bizarre : les trains ont parfois des retards
Mais ils ne démarrent pas comme ça un quart d’heure plus tôt que prévu
Et sans un mot ce ne se feu ! Tirons vite le signal d’alarme
Dis-je à John nous nous sommes vompés de troie mauvais cheval mais lui niet

Cops, handcuffs c’est hors de question sans doute parce qu’aux États-Unis
Cela constitue un délit que d’arrêter un train en marche
Sous prétexte d’étourderie de voyage en Aquatintie —
Évitons donc flics et menottes on verra jusqu’où on cahote.

Défilent des paysages urbains des mornes plaines jusqu’à Pantin
Que nous passons et ce n’est pas le teuf-teuf des locos d’antan
Signifiant la fête en verlan qui rythme à présent le voyage
Mais la banlieue et ses mirages les grands pylônes électriques

We’re in the middle of nowhere ! Le train stoppe en zone blêmatique
Soudain voici que tout s’éclaire : Un entrepôt de nettoyage !
En plein beau milieu de nulle part à spirales aux destinations
Oups du cahier tout destiné je m’empare et j’ouvre la porte Nord-Est. HO2 Paris-Ourcq n°5 Charlevilleuh.

Deux cheminots au bout du quai me le mirent en vain agiter
Doivent me prendre pour une égarée une dingue ou la femme de ménage
Comment sans sortir s’en sortir John ne veut quitter la voiture
Au moins montre-toi qu’ils saisissent que sommes voyagés dans la brume
Il y consent alors enfin l’un des cheminots nous rejoint
Je lui explique C’est John Giorno je l’emmène danser ses poèmes
Au centre culturelle de Tinqueux là-bas tout près de Reims oui John
Savez l’ami d’Andy Warhol
— Et là me coupe la parole
Andy Warhol Andy Warhol… Vous voulez dire les petites Marilyn ?

Les petites Marilyn yes sir Evlis et le coca-cola
Venez ce n’est pas trop permis mais j’ai une loco à conduire
Jusqu’à presque la gare de l’Est vous prendrez métro Marx Dormoy

(Dors moi je songe secrètement pensant au film célébrissime
De l’auteur des petites Marilyn)… ensuite le bon train en bonne voie !
Hop ! nous grimpons John moi puis lui alors everyone gets lighter
L’hors-la-loi cheminot ravi comme dans la cabine d’un camion
American truck voyons loin mirador mouvant c’est parti
Bien calés entre sacs pare-brise et conducteur mirovolant
Zyeutons la beauté défiler sur les rails et sous le ciel clair
Octobre platane ifs peupliers rouge orange vert rouge orange vert
À nous Paris Tinqueux la lune merveille pitre trip carpe diem
Let’s seize the day incognito chemin de fer quelle grande échelle
Jusqu’aux dieux éteints lieux communs bien rallumés hi risque Giorno. »

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Rouzeau, Valérie, 2009, Quand je me deux, Le temps qu’il fait.